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L'abbaye St-Feuillien du Rœulx

Si les liens entre la figure de saint Feuillien et la ville du Roeulx sont attestés depuis longtemps, rappeler le sens de l'histoire est souvent nécessaire pour en conserver et cultiver le meilleur souvenir. Les habitants d'une ville, tout comme ses touristes d'un jour, gagnent à mieux connaître l'histoire du sol qu'ils foulent ou habitent, pour l'apprécier pleinement au présent, et – qui sait – à l'avenir.


La vie de Feuillien, dont le nom fut diversement orthographié selon les époques, régions et traditions (Foillan, Faelan, Pholian, Feuillan, Foilliani, Pholien, notamment), fut au fil des siècles narrée par les auteurs au travers de différentes vitae, dans la tradition du récit hagiographique, si bien qu'il est parfois difficile de distinguer le vrai du faux, le mythe et la réalité. Certains éléments, cependant, semblent suffisament étayés sur des arguments solides que pour être considérés comme vrais, avérés, historiques.


Nous savons ainsi que l'irlandais Feuillien nait vers l'an 600 sur l'île d'Inchiquin, sur le lac Corrib à l'ouest du Connemara. Issu d'une famille noble et élevé selon les préceptes chrétiens (il a été formé à la spiritualité ascétique dans différents monastères celtiques), c'est en compagnie de ses deux frères, Fursy et Ultain, qu'il quitte une Irlande tourmentée par les invasions. Parvenus en Angleterre, ils fondent une communauté monastique à Cnobheresburg, dans le Suffolk, vers 634. Feuillien en prend la direction en tant qu'abbé lorsque son aîné, Fursy se rend sur le continent afin de poursuivre sa mission d'évangélisation. Alors que les guerres divisent la terre d'Angleterre, le monastère est pillé, détruit ; Feuillien et ses frères s'exilent sur le continent.


Au royaume des Francs, ils arrivent à Péronne, où Fursy avait fondé un monastère, et apprennent le décès de celui-ci. Accueillis par Erchinoald, maire du palais, ils prennent distance de ce dernier et gagnent l'Austrasie pour se rendre à Nivelles, où se trouvaient déjà une communauté de moines irlandais. Gertrude, fille de Pépin de Landen, y avait fondé un monastère double, dont elle était l'abesse. Elle cultiva de profonds liens d'amitiés avec Feuillien et, à des fins de rayonnement et pour évangéliser les populations au sud de la Sambre, Gertrude, sa mère Itta et son frère Grimoald, maire du palais, le soutiennent pour la fondation d'un monastère à Fosses, sur un domaine de leur possession. La communauté irlandaise, menée par Feuillien, s'y établit vers 650 et y suit la règle de saint Colomban. Afin de poursuivre son oeuvre évangélisatrice, Feuillien délègue la gestion de la communauté de Fosses à son frère Ultain. Il reprend la route, et c'est ici que la vie du pérégrin fera légende : l'épisode de son martyre sera relayée par une littérature permettant difficilement de faire la part des choses entre le mythe et la réalité.


Ainsi, il semble qu'au retour d'une messe célébrée à Nivelles, la veille de la Saint-Quentin, le 30 octobre (aux environs) de l'an 655, Feuillien, accompagnée de trois compagnons, s'égare lors d'un trajet devant le mener – et c'est notamment ici que les hypothèses se confrontent – à Fosses, à Strépy, à Haumont, à Péronne ou à Lagny – parmi les hypothèses les plus fréquemment rapportées. La destination du voyage étant inconnue, l'itinéraire suivi l'est également. Les hagiographes et auteurs ont au fil des siècles, des récits et d'enquêtes savantes, nourri une littérature tantôt romancée tantôt argumentée, critique et étayée – et donc davantage fiable du point de vue historique. En tous les cas, l'historiographie montre que parmi toutes les hypothèses possibles, l'une semble plus que tout autre fondée (mais toujours sujette à discussion) : celle du passage (non prémédité peut-être) par le territoire de l'actuelle ville du Roeulx, en Hainaut. C'est à cet endroit que Feuillien et ses compagnons auraient été assassinnés. Si le motif du meurtre reste in fine inconnu (geste de brigandage ou d'impiété ?), l'événement prit rapidement un caractère religieux : Feuillien, martyr, est mort en odeur de sainteté. Son corps, d’abord ramené à Nivelles, fut transporté à Fosses où selon les sources il aurait souhaité pouvoir reposer après sa mort.


Parmi les quelques indices toponymiques et topographiques que nous livrent les différentes vitae (mentionnons la forêt charbonnière, le bois de Sonefia, le lieu-dit Ampolinis, un chemin menant à vallon que domine un mont), rien ne permet d'établir avec certitude le lieu du crime, devenu martyre. Toutefois, si les récits hagiographiques ne permettent pas de retracer avec exactitude les événements entourant la mort de Feuillien, certains éléments, quoi que tardifs (trois à quatre siècles après les faits) attestent du lien historique entre la figure du saint et le territoire de la ville du Roeulx. Il faut en effet attendre la vita quarta d'Hillin de Fosses, au XIe siècle, pour apprendre qu'une chapelle aurait été construite sur le lieu présumé du martyre, en un lien autrefois nommé « Ampoline » « par les indigènes ». Elle aurait été relevée de ses ruines au Xe siècle, et il semble qu'aux alentours de l'an 1100, cette église de bois se tenait toujours au centre d'un atrium circonscrivant un espace cultuel sous le patronnage de Feuillien, permettant d’assurer le service religieux et recueillir les offrandes. C'est à cet endroit que sera fondée, en 1125, l'abbaye Saint-Feuillien du Roeulx. Cet encloistre sacré de Saint-Feuillien, qui précéda le monastère, constituerait en cela le noyau de la ville du Roeulx (quoique que la région fut peuplée depuis l'antiquité, sinon le néolithique, ainsi qu'en témoignent certaines découvertes archéologiques).


Pour mieux comprendre le rôle joué par Feuillien – ou plutôt par la figure sainte de Feuillien, a posteriori – au regard du territoire concerné, sans doute faut-il rappeler la transition progressive entre paganisme et christianisme des régions de la Gaule Belgique, au tournant des VIe et VIIe siècles. Dès le IVe siècle, les prédicateurs chrétiens ont assimilé des pratiques païennes, notamment le culte naturiste (source, arbres...), en les associant à la figure de saints. Les lieux de culte païens ont ainsi été transformés en sanctuaires chrétiens, avec l'aide des saints, qui ont été présentés comme des personnifications de la vertu chrétienne. Cette assimilation culturelle a permis aux prédicateurs de s'adapter aux réalités locales, plutôt que de lutter de manière frontale contre les croyances et les pratiques populaires païennes. Si ce n'est qu'une hypothèse, il n'est pas impossible que la figure de Feuillien ait, a posteriori, servi un tel dessein : par son martyre, Feuillien, dont la tête tranchée aurait frappé la souche d'un chêne, qui soudainement laissa s'écouler une eau pure, aurait nettoyé le territoire, il l'aurait consacré (plusieurs textes, dès le XVIe siècle, n'hésiteront pas à interpréter, très probablement à tort, l'archaïque nom Ampoline comme la « vallée d'Apollon », lieu au coeur de la forêt dédié au culte solaire, suggérant que par son martyre le saint chrétien a purgé le territoire de la présence maline du dieu païen). Cette source ou fontaine en serait devenue le symbole ; elle fut considérée comme sacrée, et le culte de cette eau fut un élément autour duquel s'est organisée la communauté. Par suite de cette affluence, cette partie de la forêt charbonnière fut défrichée (rappelons, à l'origine du nom Roeulx, la racine latine rhodus ou germanique röde, signifiant « essartage », « défrichement »), en état d'être habitée, et fut dénommée Sénophe, nom qu'elle portait encore au XIIe siècle. C'est l'endroit de ladite chapelle de Sénophe, cédée par les chanoines de Fosses aux Prémontrés, en 1125 ; ils y fondèrent l'abbaye Saint-Feuillien, qui prospéra jusqu'à la Révolution française. Cette institution fut de première importance pour la région. Outre la vie cloîtrée, les chanoines de Saint-Feuillien assuraient les offices dans les villages avoisinants tels que Mignault, Le Roeulx, Péronnes, Arquennes ou Strépy. Lieu de prière et d’étude, l'abbaye était aussi un centre économique, administratif et culturel. Trente à quarante moines y vivaient, entourés de paysans et de nombreux corps de métiers. Dans le parc du Château des Princes de Croÿ, subsistent quelques vestiges : on y distingue un fossé dit de l'abbaye, la petite Tour Passet, le chemin d'accès au domaine enclos de l'abbaye, la porte de Saint-Feuillien et la Maison du Portier. Seuls le porche d'entrée et la Maison du Portier ont subsisté aux affres de la Révolution.

Notons que cette présence d'une source à l'endroit présumé du martyre de Feuillien est aujourd'hui encore l'un des aspects les plus communément évoqués, colportés et constitutifs de la légende du saint, notamment pour les Rhodiens. Qu'importe qu'il s'agisse d'un mythe : l'important est que la légende ait fait acte, en ce qu'elle a été constitutive d'une ville nouvelle. Sur le plan anthropologique du religieux, cette eau soudainement apparue s'interprète comme une hiérophanie, c'est-à-dire une manifestation du sacré dans le monde ordinaire, profane. Il est un événement qui transfigure et transvalue l'espace (un lieu quelconque devenu haut-lieu) ; il marque un repère et permet, autour de lui, une nouvelle organisation humaine. Cette « fontaine sans fonds » comme on l'appelait autrefois, dans son écoulement intarissable, constitue en cela le fondement tout à la fois mythique et historique de la ville du Roeulx.


Notons également que si l'abbaye a été fondée en 1125, la première phase d'érection du château, non loin de là, date probablement de la même période. Bien que l'on ne sache pas avec certitude quand a été posée la première pierre de la forteresse, on sait que l'ancienne seigneurie du Roeulx était le siège fortifié de l'une des douze pairies du Hainaut vers la fin du XIe siècle, alors aux mains d’Arnould, second fils de Baudouin de Jérusalem, Comte de Hainaut. Eustache II, Seigneur du Roeulx, mort en 1186, a fait construire les tours et les murailles. Les Comtes de Hainaut ont plus tard pris la succession et c'est de Jacqueline de Bavière, Comtesse de Hainaut, qu'Antoine de Croÿ, Grand Chambellan du Duc de Bourgogne, a reçu « la terre, la ville, la justice, la seigneurie et la pairie du Roeulx » en l'an 1429. La propriété est depuis six siècles détenue par la famille des Princes de Croÿ-Roeulx. L'histoire laisse donc supposer que la fondation du château en cet endroit est étroitement liée à la présence d'une communauté préalablement établie, très certainement dûe à la figure du saint, dont le culte est établi en ces lieux, à cette époque.


Figure historique autant que de légende, le pérégrin Feuillien, comme d'autres illustres personnalités de son temps, s'est donc révélé être pour nos régions une personnalité d'importance tant sur les plans spirituel que politique (réalités entremêlées dans l'occident médiéval), dont la tradition religieuse et folklorique célèbre, aujourd'hui encore, en la ville du Roeulx, la mémoire. Chaque année, en octobre, la châsse de saint Feuillien contenant pour relique un fragment de mâchoire est descendue et vénérée. Divers initiatives, événements et festivités cultivent également le souvenir de ce passeur d'espoir, figure de vertu. Elles ont pour intention première de célébrer cette pérégrination porteuse de sens et de vie, et de commémorer la fondation et la construction, au fil des siècles, de la cité du Roeulx. Les événements commémoratifs de cette année 2025 seront donc tout autant tournés vers le passé que vers l’avenir : ils serviront à renforcer le lien entre les Rhodiens, en valorisant leur patrimoine commun, tout en créant des moments de partage et de convivialité qui nourriront le vivre-ensemble et contribueront à l’unité de la communauté pour les générations à venir.

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2025 : les 900 ans

La célébration des 900 ans de la fondation de l'abbaye Saint-Feuillien est une occasion unique de rassembler la communauté rhodienne autour de son patrimoine, tout en attirant l’attention sur le riche passé historique de la ville. Cette initiative se veut porteuse de sens pour l’avenir du Roeulx, de ses habitants et de ses ami·e·s.

Les événements se veulent ouverts à tou·te·s, mais les lieux qui les accueillent imposent des limites quant au nombre de places disponibles. Il vous est donc conseillé de réserver rapidement votre place via le système de réservation en ligne.

 

Bienvenue aux activités suivantes :

 

  • Conférence et concert inaugural au château du Roeulx 

  • Itinéraire de promenade et marche commentée sur les origines du Roeulx

  • Conférence et publication : l'abbaye Saint-Feuillien

  • Célébration en l'église

  • Purcell

  • Irish Fest

Vous souhaitez participer en joignant à ce programme un événement porteur de sens, d'intérêt culturel et rassembleur ? Contactez-nous !

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