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Notre projet

manifeste écopoétique

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L'oikopoièse désigne,

littéralement, un "faire maison". L'écopoétique est l'art d'inventer et d'habiter un monde.

Oikos - Poesis

L'écopoétique, désigne, littéralement, le « faire maison », l'invention de l'habitat et, plus littéralement (οἶκος, oikos : la maison, le patrimoine) d'une unité familiale et de production agricole et artisanale.

Si l'économie est l'ensemble des règles (
νόμος, nómos : règle, loi) qui régulent et permettent d'administrer la maison / l'habitat / l'organisation, et si l'écologie est la science (λόγος, logos : discours, connaissance) ayant pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes, etc.) entre eux ainsi qu'avec leur habitat, si l'écosophie renvoie à la sagesse (σοφός, sophós : sagesse, savoir) de ces relations,  ou éthique environnementale (le questionnement sur la place de l'homme au sein de son environnement), l'écopoétique est l'invention (ποίησις, poíêsis : création) de l'habitat, la manière d'habiter ou d'inventer un monde.

Ce terme ne doit pas être confondu avec des notions en certains points similaires : l'écogenèse, qui désigne la création d'un écosystème sur une planète non habitable mais aussi le processus par lequel des groupes humains produisent du territoire en donnant du sens à leur environnement ; et la terraformation, qui elle aussi consiste en la transformation de l'environnement naturel d'un corps céleste en vue de la rendre habitable par l'homme en réunissant les conditions nécessaires à la vie de type terrestre. Parentes, ces notions se complètent.

Ars / Art

L'art est le nom ici donné tout à la fois à l'outil, aux moyens et à la manière de cette création.

 

Qu'est-ce à dire ?

 

Pour comprendre la nature de l'art, une mise en perspective s'impose... Que recouvre ce terme, fondamentalement ?

 

Dans la Grèce antique, le mot « art » (tekhnè) a une valeur bien particulière : il évoque avant tout la « technique », la « compétence » ou l'« habileté ». Il est une activité de production, de fabrication, et la manière (l’ensemble des règles déterminant l’opération) de cette activité ; il est un “faire”. Il y a donc un art pour toute chose : la sculpture, la charpenterie, l’agriculture, la guerre, la cuisine… Quant à la poïésis, elle est l’acte de production, “la cause qui, quelle que soit la chose considérée, fait passer celle-ci du non-être à l'être” [Platon]. Tout producteur est nécessairement poète. Tekhnè et poïésis se distinguent chez Aristote de la praxis, qui est la sphère de l’action proprement dite. 

Les peintres et les sculpteurs de l'Antiquité ont acquis leur technique par l'apprentissage pratique. Bien que certains aient été admirés, ils n'étaient que des artisans, et n'avaient pas le même statut social que les poètes/chanteurs (l’aède, qui a reçu son don des dieux) ou les dramaturges, pour ne prendre ici que l'exemple de la Grèce. Si l'artiste de la Grèce ancienne manque le plus souvent de considération, c'est aussi dû à sa dévalorisation platonicienne (Platon suggérant que l’artiste qui “imite” le réel, et donc nous éloigne de la vérité, à la façon du sophiste, soit chassé de la République). Il en va de même pour l’ars dans la Rome antique : la littérature est le premier des arts, avant toute réalisation plastique, si belle soit-elle. L'éducation des jeunes romains est d'abord un apprentissage de la langue, du discours, du raisonnement et du calcul.

En conséquence, de l’Antiquité au Moyen Âge, seuls sont dignes de constituer les « arts » (majeurs) le langage et les productions de l'esprit. Les arts libéraux, activités intellectuelles (disciplines mathématiques ou ayant trait au langage) libres des contraintes liées à la matière, et donc dignes des hommes libres, s'opposent ainsi aux arts mécaniques où interviennent la main et le matériau (sculpture, peinture, travail du bois…). L’intellect contre l’artisanat. Cependant, tout en considérant les métiers comme inférieurs, on doit également reconnaître alors qu'il y a un art, c’est à dire un ensemble de moyens tendant à une fin déterminée, pour les exercer au mieux. Tout art relève donc d’un savoir-faire.

Les arts libéraux se trouvent systématisés au travers de certains écrits qui, dès le Ve siècle, les distinguent en deux groupes. Le quadrivium « (quadruple voie »), regroupait les disciplines scientifiques : l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et la musique. Le trivium (« triple voie »), regroupait les disciplines littéraires : la grammaire, la rhétorique, la dialectique. Il fut un temps où, en plus des sept arts libéraux, la philosophie et la médecine étaient comptées dans la liste.

Un basculement s’opérera à la fin de la Renaissance, conséquemment à une évolution de la pensée sur l’art et des théories artistiques : l’art du dessin (disegno) se hisse au sommet de la hiérarchie des arts, dans la prétention d’égaler la mathématique, outil premier de l’artiste humaniste renaissant, et revendique cette parité pour revendiquer le statut d’art libéral. S’ouvre alors le temps des Académies, la disparition de l’antique distinction des arts libéraux et mécaniques (voir à ce sujet le commentaire de Diderot et d’Alembert sur cette distinction, dans leur Encyclopédie - Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers), l’apparition des “Beaux-Arts”, et finalement du “monde” de l’art (ses expositions, ses experts, ses critiques, ses refusés, ses institutions, son marché…) tel que nous le connaissons encore en partie, aujourd’hui. L’art moderne puis l’art contemporain sont hérités de ce basculement, et ont plus que jamais cadenassé le terme d’art en le limitant, dans cet entonnoir lexical que fut l’Histoire, à une acception désormais réduite : il en est venu à désigner “la production et la jouissance d’un certain genre d’ouvrages”, comme le remarque Paul Valéry dans son éclairant texte de 1935, “Notion générale de l’art”. “On distingue aujourd’hui l’œuvre de l’art, qui peut être une fabrication ou une opération d’espèce et de but quelconques, de l’œuvre d’art”, désignant le produit des activités d’un certain “monde” de l’art. 

 

Avec l’Invention du quotidien publié en 1980, Michel De Certeau réhabilite le sens premier de la notion. L’auteur examinait les mouvements dissimulés sous la surface du couple production-consommation, montrant que le consommateur, loin de la pure passivité à laquelle on le réduit, se livre à un ensemble d’opérations comparables à une production silencieuse et clandestine. À chacun ses arts de faire (manières d’habiter, de cuisiner ou de marcher…), défend-il. Se servir d’un objet, c’est forcément l’interpréter, et donc, à chaque occasion, produire du nouveau. Ainsi, à partir de la langue qui lui est imposée (le système de la production), le locuteur est amené à construire ses phrases propres (les actes de la vie quotidienne), se réappropriant par des micro-bricolages clandestins le dernier acte de la chaîne productive. En d’autres termes, ce qui compte réellement, c’est ce que nous faisons des éléments mis à notre disposition. Nous sommes de la sorte des « locataires » de la culture en ceci que la société est un texte dont la règle lexicale est celle de la production, activité propre aux usagers prétendument passifs. En ce sens, le point de vue de de Certeau est de mettre à jour l’existence de « mille et une manières de faire », ces ruses, tactiques et bricolages qui permettent à chacun, dans les soubassements quotidiens d’une culture habitée et consommée, de s’inventer des itinéraires singuliers, des micro-territoires de consommation, d’interprétation et de production. C’est là la force de l’usage (il en va d’une éthique de l’usage).

Le monde comme projet

L'art d'habiter ou d'inventer un monde.

Mais que comprendre et que tirer de cette notion polysémique ? « Monde ».

Du latin mundus (« ce qui est arrangé, net, pur »), le terme peut-être comparé au mot grec ancien κόσμος, cosmos, (« ce qui est arrangé, ordre »), désignant l’ordonnancement des choses, et globalement notre univers connu, organisé. Le reste n'est que chaos (ou est simplement inconnu). Le monde désigne en cela l'ensemble organisé des choses et des êtres existants (ces choses et les relations entre elles). Il est un ensemble complexe. Mais il peut aussi désigner un milieu déterminé, fonctionnant sur base de règles, de lois et de conventions propres (le monde du sport, le monde de l'art, etc.). Il peut aussi renvoyer au séjour des hommes sur le plan physique, ensemble des choses et des êtres parmi lesquels se passe notre vie (le monde dans lequel on vit), ou, plus particulièrement encore, l'imaginaire d'une personne (chacun sa représentation des choses : chacun se façonne et habite un monde en soi). Par "l'art d'habiter ou d'inventer un monde" nous entendons donc l'outil, les moyens et les manières propres à chacun dans son processus d'individuation, cette subjectivation par laquelle tout sujet se constitue un monde (le sien) et une représentation (interprétation) du monde (commun, partagé par tous), qu'il impacte, façonne, travaille de façon particulière.

Le monde devient un projet quand l'intention de l'individu est d'agencer celui-ci selon une vue déterminée. Ce projet nécessite des outils, des moyens et des manières : des arts. On ne saurait ici que donner raison à Otl Aicher (Le monde comme projet), dans son positionnement critique à l'égard des arts et du design, posant l'éternelle question de l'utilité de l'art : le design ne se résume pas à des questions d’esthétique et se doit d’intégrer une portée à la fois politique et sociale. L'artiste comme designer (celui qui dessine, au sens propre : conçoit, projette) est tenu de jouer un rôle critique, et non pas seulement de rendre le monde « de plus en plus beau et agréable à mesure que nous le détruisons ». Ainsi en va-t-il de la nécessaire utilité de l'art, aujourd'hui : par ses recherches, expérimentations et propositions, l'artiste se doit d'agir à la croisée des activités humaines avec le monde pour projet.

L'art comme pratique opérante et située

Si l’art a longtemps été défini par des critères formels, esthétiques ou contemplatifs — hérités du paradigme des Beaux-Arts et de leur histoire académique — il a, dès le début du XXe siècle, entamé une lente désactivation de cette logique de la "belle forme" pour s’ouvrir à d’autres fonctions : d’usage, d’interruption, de lien, de projection, de soin, de subversion. Avec dada, et autres avant-gardes historiques, l’œuvre cesse d’être un objet à contempler pour devenir un geste critique ; avec Joseph Beuys, tout être humain est un artiste dès lors qu’il agit pour transformer le tissu social. Stephen Wright pousse plus loin cette mutation en formulant une perspective usologique de l’art : un art qui ne se définit plus par son exposition (son "exposabilité") ou sa reconnaissance institutionnelle, mais par ce qu’il permet de faire, d’inventer ou de transformer dans une situation donnée. Ce déplacement nous invite à envisager l’art non comme une fin en soi, mais comme une forme de compétence appliquée au réel, un levier de recomposition du vivre-ensemble, voire un outil d’agencement du sensible.

Dans cette optique, la fameuse formule de Robert Filliou selon laquelle « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » prend tout son sens. Résumant à elle seule la pensée de la néo-avant-garde des années 1950-70, elle renverse la hiérarchie entre l’œuvre et la vie, le musée et le quotidien, l’exception et le commun.

 

Cette conception de l’art comme acte situé, tourné vers l’usage et l’activation (individuelle ou collective), s’inscrit dans une tradition plus large d’expérimentations performatives et relationnelles. Dès les années 1950, le happening substitue à l’objet fini une expérience partagée, non reproductible, qui brouille les frontières entre art et vie. Dans le même élan, les situationnistes  pensent l’art comme production de situations : moments de rupture dans le cours ordinaire des choses, porteurs d’un potentiel de détournement, de reconfiguration du sensible et de critique des formes de vie dominantes. Ces pratiques ont ouvert la voie à ce que l'on conceptualisera plus tard comme "art relationnel" : une esthétique fondée non sur l’objet, mais sur les interactions, les micro-événements, les formes d’hospitalité ou de coopération. Qu’il s’agisse d’un geste, d’un repas, d’un jeu, d’un espace ou d’une parole partagée, l’art devient ici un catalyseur de relation, un activateur de lien, un outil de mise en commun. 

​En redéfinissant ainsi les finalités de l’art, on sort du régime spectaculaire pour entrer dans celui de la contribution : il ne s’agit plus de produire des objets à admirer, mais des situations à activer, des formes de vie à expérimenter, des usages à réimaginer. L’art devient alors, comme l’écrivait Jacques Rancière, une manière de "redistribuer le sensible" : non pas ajouter des images au monde, mais modifier ce que nous sommes capables de percevoir, de dire et de faire ensemble.

C'est aussi ce que l'artiste Tania Bruguera a qualifié d'"art utile", pour lequel il ne s’agit plus seulement de représenter la réalité ou d’en proposer une lecture symbolique, mais d’intervenir directement dans les structures sociales, juridiques, économiques — avec des effets concrets. L’art utile dépasse la contemplation pour entrer dans le champ de l’usage, de l’impact et de la transformation directe. Il se mesure non à sa valeur esthétique, mais à sa capacité d’agir, de créer des situations vivables, de produire du changement. Ainsi, l’artiste devient un agent civique, un opérateur politique, qui mobilise les outils de l’art pour modifier les conditions d’existence.

 

Dans cette perspective, l’art ne se réduit ni à l’ornement ni à l’expression personnelle : il est ce qui permet de transformer notre rapport au réel, en intervenant sur les formes de sensibilité, d’attention et de désir qui organisent nos existences. Bernard Stiegler le rappelle : par-delà sa nature symbolique, qui revêt le monde et les gestes d'une immensité d'intérêt, et de valeur, l’art a pour fonction de désautomatiser, de rouvrir des possibles là où les automatismes sociaux, techniques ou économiques tendent à les fermer. En ce sens, l’art est une ressource pour le soin du monde – non pas parce qu’il répare directement, mais parce qu’il produit des agencements nouveaux entre les êtres, les gestes, les signes, les matières. En engageant le sensible, il reconfigure nos manières de percevoir, de penser, de projeter, et peut ainsi devenir l’un des leviers d’une bifurcation collective vers des formes de vie plus conscientes, désirables, et soutenables. L'art n'est donc pas seulement une question de beauté ou d'esthétique, mais aussi un outil puissant pour comprendre et transformer notre rapport au monde, à la technique, et à nous-mêmes. 

Des "arts de faire" à la portée du plus grand nombre

L'art est-il vraiment à la portée de tous.tes ? Cette question s'est largement complexifiée au cours du siècle dernier, qui a connu une montée en puissance de la figure de l'autodidacte et de "l'amateur".

L’amateurisme n’est pas seulement une absence de professionnalisation ; c’est un rapport singulier, libre, passionné et autonome à la pratique artistique. Depuis le XXe siècle, les pratiques amateurs ont profondément transformé le paysage culturel et politique, au point d’en faire une des matrices de la démocratie culturelle. Là où la démocratisation culturelle cherchait à diffuser vers "le bas" les productions légitimes "du haut", la démocratie culturelle a promu une vision radicalement différente : la culture faite par tous, et pas seulement pour tous. Dans cette perspective, l’amateur n’est plus un apprenti en attente de validation, mais un acteur culturel à part entière, un inventeur de formes, de langages, de mondes.

 

Cette mutation s’inscrit dans une histoire longue, où la reconnaissance des formes non-académiques, autodidactes, ou populaires a joué un rôle essentiel. L’art brut, théorisé dès les années 1940, célèbre les productions de ceux qui créent hors de toute institution, de tout enseignement, de toute reconnaissance du "monde de l’art" : aliénés, marginaux, enfants, autodidactes. Plus largement, les cultures populaires et contre-cultures (rock, punk, fanzines, graphisme sauvage, street art, etc.) ont affirmé des pratiques non codifiées, souvent bricolées, autogérées, mais investies d’une puissance expressive et politique. Cette fascination pour l’autodidaxie ne relève pas d’un romantisme naïf, mais d’une critique active de l’élitisme culturel et de sa légitimité.
 

L’essor des maisons de la culture, des centres culturels, des ateliers de quartier, et, plus tard, des pratiques numériques, a renforcé cette dynamique. Internet a joué un rôle décisif dans cette explosion des pratiques créatives non professionnelles, en permettant la diffusion, la documentation, la circulation, voire l’archivage de gestes artistiques individuels ou collectifs, souvent hybrides, hors-catégorie. De là émerge une nouvelle forme de légitimité par la pratique, où la reconnaissance n’est plus imposée d’en haut, mais co-construite par les communautés de sens et d’usage.
 

On parle à cet égard d’une éthique de l’amateur, proche de l’éthique du hacker décrite par Pekka Himanen : non pas une opposition à la technique, mais une manière d’y entrer par la ruse, la passion, le détournement, la recherche libre. L’amateur explore, apprend, invente en faisant, sans attendre la validation d’un cadre normatif. Et, souvent, il partage. Son art n’est pas celui du produit, mais du processus. Il bricole, compose, détourne, connecte, cherche — autant d’actes qui participent à une subjectivation, c’est-à-dire une construction de soi à travers les pratiques — possiblement transindividuelles (c'est-à-dire qui relient et traversent le collectif) . Créer, ici, ne signifie pas viser l’œuvre, mais se rendre capable : d’agir, de dire, de relier, de comprendre. Par le bricolage, l'usager invente son quotidien, ainsi que le démontrait de Certeau.

Cette automédialité contemporaine — la capacité à produire et diffuser soi-même ses contenus, ses formes, ses récits, et par-là à s'inventer soi-même — redonne une puissance à des gestes longtemps jugés mineurs. Loin d’un nivellement généralisé (qui malgré tout est à craindre !), elle peut être l’occasion d’une recomposition du sensible, où chacun devient en mesure d’habiter le monde par ses propres moyens, dans une économie modeste, mais signifiante du faire. L’art, dans ce contexte, n’est plus l’apanage d’un monde fermé, mais une pratique quotidienne, un outil d’émancipation, un terrain d’expérimentation existentielle, une pratique d'individuation et de subjectivation.

À cette dynamique des pratiques culturelles d'amateurs s’ajoute, ces dernières années, la vogue du "fait maison" — qu’il s’agisse de fabriquer ses produits ménagers, de cuisiner ses conserves, de cultiver un potager ou de produire ses cosmétiques. Si cette tendance est parfois récupérée par le marketing ou instrumentalisée comme un simple style de vie, elle révèle néanmoins un désir profond : celui de retrouver des gestes simples, une forme de maîtrise, un rapport direct à la matière et au temps. Ce DIY domestique, souvent issu d’une nécessité écologique ou économique, témoigne aussi d’une volonté de revenir à des objets non usinés, faits localement, avec patience, avec attention, avec humanité. Une manière de se réapproprier ce que l’industrialisation a délégitimé : la fabrication lente, située, modeste mais signifiante. Or, c’est bien cela, au fond, le sens originel du faire maison : non pas simplement produire chez soi, mais habiter la fabrication, et inscrire cette dernière dans un espace de vie, de partage, de transmission.

Faire école : transmission, attention, dissémination

Oikopoiese, c’est aussi une façon de faire école au quotidien, sans murs ni estrades. Une école un peu buissonnière, qui prend forme dans un atelier, un jardin, une marche partagée, un geste transmis. On y apprend en faisant, en observant, en échangeant. Il ne s’agit pas de délivrer des savoirs figés, mais de susciter la curiosité, et de partager des connaissances et pratiques, outils, idées, dans une relation d’égalité et d’écoute.

Étymologiquement, le mot "école" (skholè) désignait un temps libéré du travail pour se consacrer à l’étude. C’est ce temps que nous souhaitons rouvrir : un espace pour expérimenter, essayer, se tromper, recommencer, comprendre, transmettre. Une école sans dogme, mais pas sans exigence : une attention donnée au geste, au faire, au monde et à son esthétique. Car transmettre un savoir-faire, aussi modeste soit-il, c’est déjà tisser du lien — une manière de faire société. Et si un geste, en soi, c’est peu, partagé, il circule, se dissémine, s’enracine, et peut transformer.

Pour une éco-poétique

​​​Oikopoiese s’inscrit dans une filiation complexe et vivante : celle d’un art élargi, appliqué, situé, habité — un art qui ne sépare pas le faire de la pensée, la création de la transmission, l’esthétique du politique. En refusant de cloisonner les disciplines ou de hiérarchiser les savoirs, Oikopoiese se tient à la croisée de plusieurs traditions, pour une hybridation fertile : elle réconcilie l’ancienne perception de l’art comme artisanat — un savoir-faire ancré dans le geste, la matière, l’usage — avec la notion d’art appliqué, c’est-à-dire un art inscrit dans les formes concrètes de la vie quotidienne, et non détaché d’elle. Elle prolonge aussi les conceptions critiques et contemporaines d’un art situé, pensé non comme un produit du "monde de l’art", mais comme une expérience vécue dans la chair du monde, au contact des lieux, des corps, des enjeux et des milieux. 

À travers ses expérimentations concrètes, Oikopoiese met en œuvre une écopoétique du geste : une manière de relier l’acte de faire à une manière d’habiter, de transmettre, de comprendre le monde autrement. Ce que nous fabriquons — objets, formes, récits, situations — est indissociable de la manière dont nous habitons nos milieux, dont nous engageons nos corps et nos sensibilités, dont nous nous relions aux autres et à ce qui nous entoure. Il ne s’agit pas seulement d’enseigner des techniques, mais de raviver des capacités d’agir, de penser, de créer ensemble — à partir de ce que l’on a, là où l’on est.

En cela, Oikopoiese se tient hors du “monde de l’art” entendu comme sphère close, tout en se nourrissant de l’histoire longue de ses formes et de ses tensions. Elle ne produit ni œuvres à contempler, ni simples objets d’usage, mais des expériences, des apprentissages, des gestes qui ont valeur de forme et de pensée. C’est une pratique de la relation, du commun, de la subjectivation. Une tentative pour réconcilier savoir-faire et savoir-penser, matière et idée, pratique et imagination. Une manière de répondre à la question : comment habiter le monde — poétiquement, politiquement, concrètement ?

Oikopoiese est donc moins un lieu qu’un mouvement, un processus. Celui par lequel le faire redevient porteur de sens. Celui par lequel chacun, à travers l’art, l’attention, l’expérimentation et la transmission, peut informer sa manière d’habiter — et, ce faisant, transformer son rapport au monde.

Dans un monde traversé de crises multiples et systémiques, dans un monde d'incertitude et d'actualités anxiogènes — qu’elles soient économiques, écologiques, géopolitiques, sanitaires ou sociales —, il devient de plus en plus urgent d’apprendre à vivre mieux, et donc peut-être autrement. Non pas fuir le réel, mais y puiser de nouvelles manières de faire face, d’agir, de composer avec lui. Face à la complexité, à la vitesse, à la standardisation, il nous faut retrouver des gestes qui font sens, qui nous recentrent, nous relient, nous enracinent, qui nous rendent attentifs et autonomes. Peut-être n’y a-t-il pas de meilleure pratique — ni de meilleure philosophie, comme l'avait appris Candide — que celle, humble et fertile, de "cultiver son jardin". Quelle que soit la forme qu'on lui donne, ce qui compte, c’est d’y faire monde.

Pour Oikopoiese, 
Sébastien STh Biset

Shy&Sheer

Debut Album Poster

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Enfants tristes
Expli enfants

Oikopoiese

expliqué aux enfants

Oikopoiese, c’est quoi ?
 

Oikopoiese est un lieu où l’on apprend à faire des choses avec ses mains, à observer le monde autour de nous, à mieux le comprendre, et à imaginer d’autres façons de vivre et de produire.
 

Le mot vient du grec ancien :

  • "oikos" signifie la maison, le lieu où l’on vit,

  • et "poïesis" veut dire créer, fabriquer, inventer.


Ensemble, cela veut dire : fabriquer son lieu de vie, habiter le monde autrement.
En quelque sorte... un art de la "cabane". Ça te parle ? Ce lieu à soi, que l'on invente de ses mains, et où l'on peut tout imaginer.

 

Concrètement, à Oikopoiese, on propose :

  • des ateliers pour apprendre à faire de la céramique, du tissage, des teintures végétales, des boissons, des remèdes simples avec les plantes du jardin ... ;

  • des cours pour découvrir l’histoire de l’art, comprendre pourquoi les artistes créent, ce que leurs œuvres signifient ;

  • des initiations à la découverte et à la connaissance de la nature ;

  • des rencontres, des promenades, des expositions, des concerts, des moments pour partager ce qu’on fait, poser des questions, réfléchir ensemble.
     

On parle souvent ici d’"art", mais ce mot peut vouloir dire beaucoup de choses.
Pour certains, ce sont les objets que l'on voit dans un musée. Pour d’autres, c’est une manière de s’exprimer.

Mais il n’a pas toujours eu ce sens.

Dans le passé, l’art désignait surtout un savoir-faire : ce qu’on apprend avec patience, ce qu’on fait bien avec ses mains et son esprit. Comme les potiers, les charpentiers, les tisserands, ou les jardiniers.

 

Chez Oikopoiese, on retrouve cette idée ancienne : faire avec soin, avec attention, avec le corps et la tête.
Mais on la relie aussi à des idées plus récentes :
par exemple, que l’art peut aider à penser le monde autrement, à se sentir mieux, à changer notre manière de vivre ensemble.

Tout cela, ce n’est donc pas juste pour “faire joli”. Il ne s’agit pas juste de faire de “beaux objets” : il s’agit de créer du sens, de partager des savoirs, de mieux comprendre ce qui nous relie aux autres et à la nature.

Nous pensons que créer — même à petite échelle — est une manière de comprendre le monde, de le prendre en main et donc d’y participer.
Quand on fabrique un objet, quand on jardine, quand on dessine, quand on écrit ou quand on transforme de la matière, on réfléchit, on modèle, on ressent, on communique.

 

Et surtout, on apprend à faire avec ce qu’on a : des plantes du jardin, des matériaux simples, des gestes de base. Pas besoin de machines compliquées (ou d'intelligence artificielle !) ou d’un grand savoir au départ : ce qui compte, c’est d’apprendre, de tester, de transmettre.
 

Pourquoi on fait ça ?
Parce qu’aujourd’hui, beaucoup de choses sont toutes faites, toutes pareilles, venues de très loin, sans qu’on sache qui les a faites (des machines branchées à des ordinateurs ?), ni comment. Et elles sont souvent produites avec des matériaux qui dégradent nos environnements. Et nous n'avons qu'une planète !

Apprendre les uns des autres est donc important pour nous nourrir de savoir-faire dans différents domaines. Ils nous sont d'une grande utilité.

À Oikopoiese, on essaie de revenir à des choses simples, concrètes, utiles, qui ont du sens.
On veut créer du lien entre les gestes du quotidien et ce qu’on ressent, ce qu’on pense, ce qu’on imagine pour demain. Avec sensibilité (aiguiser nos sens : ce qu'on appelle "l'esthétique").

 

C’est pour cela qu’on parle d’écopoétique.
Un mot compliqué pour dire quelque chose de très simple :

Habiter la Terre avec soin, avec créativité, avec attention.
Prendre plaisir à inventer un lieu à vivre, à cultiver, à partager.
Vivre avec art. Ce qu'on appelle aussi : un art de vivre. 

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